Observation des Objets Trans-Neptuniens
1 - Enjeux Scientifiques
Environ 100 planètes
ont été découvertes autour d'autres étoiles ces dernières années. En raison
de biais de détection, tous ces systèmes planétaires sont dominés par la présence
de planètes géantes localisées à de courtes distances de l'étoile. Ces découvertes
ont eu le bénéfice de relancer l'étude de la formation de notre système planétaire
qui demeure un processus complexe mal compris. Des questions aussi élémentaires
que la localisation des zones de formation des planètes géantes, ainsi que leur
mode de formation (effondrement hydrodynamique ou agglomération), demeurent
toujours sans réponses. En outre, la compréhension de la formation des planètes
géantes, en étudiant leurs propriétés intrinsèques actuelles, est compliquée
dans la mesure où elles ont physiquement et chimiquement évolué depuis leur
leur naissance (Guillot 1999).
Des surveys étendus
ont été menés dans la ceinture d'astéroides afin de déterminer les caractéristiques
de la dynamique du système solaire interne. Ces données observationnelles ont
pu donner lieu à la modélisation numérique de l'histoire dynamique de la zone
interne du système solaire. Ces études dynamiques, menées de front avec des
études physico-chimiques, ont été primordiales dans l'amélioration de notre
compréhension des conditions de formation des planètes telluriques. Ainsi, des
liens entre les types spectraux des astéroides et les études de composition
des météorites ont apporté de nombreuses informations sur la composition et
les conditions physiques règnant dans la nébuleuse protosolaire dans le domaine
des 2 à 4 UA du Soleil. La distribution orbitale actuelle des astéroides aurait
été sculptée par les interactions gravitationnelles avec les planètes au cours
de la vie du système solaire (Murray & Holman 1997), ainsi que par de grands
corps passés au travers de la ceinture au cours de l'époque la plus violente
de la formation du système solaire (Petit et al. 2001).
Pour le système
solaire externe, l'absence de petits corps extérieurs à Jupiter signifie que
des études similaires ne sont pas possibles pour contraindre la formation des
planètes géantes. Toutefois, Kuiper (1951) a suggéré l'existence d'une ceinture
d'asteroides dont les orbites possèdent des demi-grand axes compris entre 30
et 50 UA, en se basant sur les observations de la distribution orbitale des
comètes à courtes périodes. Gladman & Duncan (1990) et Holman & Wisdom
(1993) ont montré que lorsque les planètes géantes ont atteint leurs masses
actuelles, leurs régions de formation auraient été vidées de planétésimaux dans
des échelles de temps largement inférieures à l'âge actuel du système solaire.
Ces études ont aussi montré qu'à l'extérieur de Neptune, l'hypothétique "ceinture
de Kuiper" était stable, conformément à l'hypothèse de Duncan et al.
(1987) qui stipulait que les comètes à courtes périodes provenaient de cette
source en raison d'une instabilité gravitationnelle à long terme. L'idée générale
développée à partir de ces études est que la ceinture de Kuiper, localisée en
dehors de Neptune, serait dynamiquement froide. Elle serait le fossile résiduel
d'un disque de planétésimaux à partir duquel les planètes géantes n'ont pu se
former.
Depuis la découverte du premier Objet
Trans-Neptunien (OTN) par Jewitt & Luu (1993), environ 800 OTN et Centaures
ont été répertoriés, confirmant ainsi l'existence d'une "ceinture de Kuiper".
Cette ceinture n'est pas la zone "froide" que beaucoup avaient escompté. A la
place, nous avons trouvé une ceinture dynamiquement excitée (vitesses aléatoires
beaucoup plus grandes que celles permises pour accréter les OTN) et extrêmement
appauvrie (beaucoup moins de petits corps que prévu initialement). Beaucoup
de questions ont découlé de cette découverte:
- Qu'est-ce qui a causé l'excitation
dynamique de la ceinture? Les hypothèses actuelles comprennent: le
passage d'une étoile proche (Ida et al. 2000), le passage de plusieurs
corps de la taille de Mars ou de la Terre (Petit et al. 1999) ou
de Neptune naissant dans cette région (Thommes et al. 1999), la capture
adiabatique d'OTN dans les résonances orbitales avec Neptune lors de sa
migration vers l'extérieur (Hahn et al. 1999) ou le déplacement de
résonances séculaires dans cette région. Tous ces scénarios ont été développés
en dépit du fait que la structure dynamique de la ceinture de Kuiper est
faiblement comprise. Chacun de ces scénarios ne contraint qu'une seule signature
de la structure dynamique de la région. Seul un catalogue extensif d'informations
sur les orbites permettra de construire un scénario satisfaisant.
- Les OTN peuvent-ils se former
au-delà de 50 UA? Actuellement, il n'existe pas d'objets sur des orbites
circulaires situés au delà de 50 UA du Soleil. Pourquoi? A nouveau, un certain
nombre d'explications ont été apportées. Il est possible que le passage
d'une étoile proche ait pu tronquer le disque à une certaine distance du
Soleil. Il se peut aussi que le Soleil soit né dans une nurserie d'étoiles
proches et qu'au delà de 50 UA, la ceinture de Kuiper ait été vaporisée.
Alternativement, les modèles récents suggèrent que les processus d'accrétion
de la poussière et de croissance des planétésimaux ne fonctionnent pas sur
de courtes échelles de temps dans cette région. Un survey couvrant une grande
partie de l'écliptique devrait permettre d'affiner la détection de ces rares
objets au delà de 50 UA du Soleil.
- Quelle est la distribution
en taille de ces corps? La mesure de la distribution en taille des
grands OTN (50-500 km) de la ceinture de Kuiper est indispensable pour comprendre
les processus d'accrétion de la poussière et de croissance ce ces planétésimaux.
Ces objets sont-ils distribués en "cascades" de tailles, causées par les
effets compétiteurs de l'accrétion ou de l'érosion, ou bien la distribution
en taille est-elle la résultante de seulement l'un de ces processus?
- Quel est le membre le plus
important de la ceinture de Kuiper? La découverte de Pluton par Clyde
Tombaugh en 1930 a été facilitée par un rapprochement favorable de ce corps.
Cependant, il est parfaitement envisageable que Pluton ne soit pas le membre
le plus massif de cette région. Un survey compréhensif et complet de cette
zone du système solaire aura une chance de mettre en évidence le membre
le plus important de cette population.
Actuellement, les astronomes ne connaissent
qu'au premier ordre la structure de cette région du système solaire: la ceinture
de Kuiper contient des petits corps dont nous n'avons qu'une compréhension partielle
des différents types d'orbites. Notre ignorance du contenu détaillé de cette
région affaibli sévèrement notre compréhension de la formation du système solaire
externe. Beaucoup de progrès seront accomplis sur ce sujet lorsque nous posséderons
une base de données d'objets (~1000) dont les orbites seront particulièrement
bien déterminées. Cela requiert que ces objets soient découverts et suivis au
cours de surveys bien caractérisés. Dans ce contexte, au moins 3 oppositions
par objet sont nécessaires afin d'établir un classement statistique des différentes
classes dynamiques auxquelles appartiennent les OTN.
Bibliographie:
Duncan, M., Quinn,
T., and Tremaine, S. 1987. The formation and extent of the solar system comet
cloud. Astronomical Journal 94, 1330-1338.
Gladman, B., and Duncan, M. 1990.
On the fates of minor bodies in the outer solar system. Astronomical Journal
94, 1680-1693.
Guillot, T. 1999. Interior of giant
planets inside and outside of the solar system. Science 286, 72-77.
Hahn, J., and Malhotra, R. 1999. Orbital
evolution of planets embedded in a planetesimal disk. Astronomical Journal
117, 3041-3053.
Holman, M., and Wisdom, J. 1993. Dynamical
instability in the outer solar system and the delivery of short period comets.
Astronomical Journal 105, 1987-1999.
Ida, S., Larwood, J., and Burkert,
A. 2000. Evidence for early stellar encounters in the orbital distribution of
Edgeworth-Kuiper Belt objects. Astrophysical Journal Letters 528,
351-356.
Jewitt, D., and Luu, J. 1993. Discovery
of the candidate Kuiper belt object 1992 QB1. Nature 362, 730-732.
Kuiper, G.P. 1951. On the origin of
the solar system,. In Hynek, J.A. (Ed.), 50th anniversary of the Yerkes observatory
and half a century of progress in astrophysics, McGraw-Hill, New York, p357.
Murray, N and Holman, M 1997. Diffusive
chaos in the outer asteroid belt. Astronomical Journal 114, 1246-1259.
Petit, J.-M., Morbidelli, A., and
Valsecchi, G. 1999. Large scattered planetesimals and the excitation of the
small body belts. Icarus 141, 367-387.
Petit, J.-M., Morbidelli, A., and
Chambers, J. 2001. The primordial excitation and clearing of the asteroid belt.
Icarus 153, 338-347.
Thommes, E., Duncan, M., and Levison,
H. 1999. The formation of Uranus and Neptune in the Jupiter-Saturn region of
the solar system. Nature 402, 635-638.
2 - Contribution des Astronomes Amateurs
3 - Liste des Objets Trans-Neptuniens accessibles aux télescopes d'amateurs
Dans la liste ci-dessus,
certains liens ne fonctionnent pas. Cela signifie que l'objet est trop proche
du Soleil (en direction) pour être visible. Le lien se réactivera lorsque l'objet
sera de nouveau visible. Les coordonnées équatoriales sont données pour un repère
géocentrique (la position du lieu d'observation par rapport au centre de la
Terre est négligeable).
A l'adresse suivante, http://cfa-www.harvard.edu/iau/Ephemerides/Distant/SoftwareDistant.html,
vous trouverez les éléments orbitaux des Trans-Neptuniens et Centaures prêts
à être incorpores dans votre logiciel d'astronomie préféré.
4 - Aide à l'observation
- Ephémérides des objets précédents
pour la période du 15 décembre 2003 au 14 janvier 2004: Centaures
et Objets dispersés et Objets Trans-Neptuniens.
Dans les listes ci-dessus, les
magnitudes sont données en V, alors que les magnitudes limites données dans le tableau envoyé au
printemps dernier étaient en R. Typiquement, il faut compter que la magnitude
en V vaut la magnitude en R + 0,5. Donc, un objet annoncé ici à la magnitude
20,5 (V) a une magnitude de 20 en R et est donc accessible avec un telescope
de magnitude limite 20. De plus, comme de nombreuses personnes travaillent
sans filtre, on peut encore gagner un peu en magnitude.
- Mode opératoire
Il faut tout d'abord éliminer les objets ayant une élongation
(colonne el, angle entre le Soleil et l'objet) inférieure à 90 degrés. Ensuite,
il faut toujours prévoir des temps de poses tels que l'objet bouge de moins
de la moitié du seeing mesuré. Pour un objet se deplaçant a 4''/heure (colonnes
Coord. Motion) et un seeing de 2'', la pose est ainsi limitée à 30 mn. Cela
n'est pas un probleme dans la plupart des cas. Il faut aussi éviter les objets
d'élongation comprise entre 130 et 155 degrés: il y'a alors risque de confusion
avec les astéroides!!! Pour les objets assez rapides (vitesse absolue supérieure
a 2''/h), on peut les mettre en évidence sur une seule nuit. Pour les objets
faibles pour son télescope, on va faire une série de poses de 30 s à 2mn qu'on
décalera et additionnera ensuite. Il faut réaliser des poses sur une durée
telle que l'objet bouge d'au moins 2 à 3 fois le seeing. Pour des objets plus
brillants, on fait des séries de poses jusqu'à totaliser 10 à 20 minutes d'exposition.
On passe ensuite à un autre objet. Puis on revient sur l'objet initial après
environ 1 heure à 1h30. On répète l'opération une troisième fois. Les poses
de chaque série seront décalées puis additionnées comme précédemment. On fait
ensuite un blink des 3 images obtenues. Pour les objets lents, il faut travailler
sur 2 ou 3 nuits. Chaque nuit, on fait 10mn à 1h de pose sur l'objet, en additionnant
des poses individuelles de 30s à 2mn. Si l'objet est suffisamment lent (mouvement
inférieur à 1 seeing sur la durée de l'observation), il n'est pas nécessaire
de décaler les images individuelles. On répète l'operation et on blinke. Vous
trouverez ici une applet
Java qui permet de calculer la magnitude limite en fonction des paramètres
d'observation.
5 - Liste TNO
Liste dédiée à l'étude des petits
corps du système solaire externe: https://maillist.obs-besancon.fr/wws/info/tno-list
6 - Liens utiles
http://cfa-www.harvard.edu/iau/Ephemerides/Distant/SoftwareDistant.html
Last update: Mercredi 26 Novembre 2003.